Argile n’est pas un deuxième groupe des membres de Misanthrope. Argile est une annexe, un spin-off si l’on peut dire. Rencontre avec S.A.S de l'Argilière (Philippe Courtois) pour nous parler de Spleen Angel, le troisième opus du projet.
Propos de Philippe Courtois (chant) recueillis par Flavien Minne.
Bonjour, Philippe, merci de répondre à nos questions. Presque un an après la sortie de Spleen Angel, comment perçois-tu l’accueil du public pour ce nouvel opus ? Selon toi, est-ce en adéquation avec le travail fourni ?
Bonjour, avec plaisir. Ça a été extraordinaire, j’ai fait cet album en introspection, pour moi et les Holy Maniacs. J’avais promis que pour mes 50 ans, nous allions enregistrer ce troisième et dernier opus très attendu pour Argile. Et comme très souvent, je fais ce que je promets ; nous avons gravé dans le vinyle le dernier opus de cette trilogie. Les chroniques ont été immédiatement dithyrambiques. Cela a ouvert beaucoup de portes, de nombreux auditeurs se sont intéressés à notre Doom/Death et, selon les mots des chroniques, l’album est avant-gardiste et innovant. Le travail a été colossal, nous avons commencé à tout mettre à plat (après douze années de préparation, quand même, 2008-2020) le 16 avril 2020… Et presque quatre ans après, l’album est enfin terminé et entre vos mains. Il n’y a pas d’adéquation à avoir entre le travail et l’accueil du public. Ce qui m’intéresse, c’est uniquement la valeur de l’album dans sa globalité. Mais oui, être élu album de l’année 2024 dans les pages de Rock Hard et Rituel, c’est très agréable.
Quatorze ans séparent Monumental Monolith et ce dernier. Pourquoi un laps de temps aussi long? Était-ce nécessaire ?
Nous aurions pu faire plus vite, mais ce n’était absolument pas la question, ni le sujet. En création, le temps n’a aucune emprise sur l’œuvre. Il n’y a aucune notion commerciale avec Spleen Angel. Donc oui, sans ces 14 années de séparation et de préparation, l'album aurait été très différent. Nous avons fait monter l’envie de l’enregistrer à son paroxysme. Sa composition a été dévorante et passionnante. Pourquoi ? C’est la vie qui nous trace le chemin. Nous ne faisons que suivre notre destinée. L’important, c’est l’album, son inspiration, son style et ses qualités. Rien d’autre.
Comment s’est passée la création de l’album ? De l’envie à l’accouchement en passant par la gestation…
Nous avons la chance que tout se passe très très bien, l’inspiration vient comme un long fleuve intarissable. Nous avons beaucoup de chance. Certaines chansons datent de 2020, d’autres de 2012 et même un titre a été composé en 1994. C’est notre premier album entièrement enregistré au Studio Henosis, et ce fut une révélation en termes de qualité auditive. Terminé le home studio pour Argile. Nous repassons à un enregistrement 100% en studio professionnel. Le chant a été enregistré en six jours. Je n’ai jamais autant souffert. C’était physiquement difficile et intense, mais le résultat du travail est là.
Mis à part le fait que Spleen Angel soit un album-fleuve, comment le définirais-tu ? Qu’est-ce qui le différencie des deux précédents ?
Nous ne sommes pas les mêmes hommes en 2020 qu’en 2008. Il y a un nouveau guitariste, Anthony Scemama. La musique, qui était principalement arrangée par Jean-Jacques Moréac et moi, fut principalement arrangée par Anthony Scemama et moi sur Spleen Angel C’est toujours Gaël Féret sur les parties de batterie des deux derniers albums. Le son de guitare a énormément évolué ainsi que le chant. Nous avons enregistré Monumental Monolith en quatre jours de janvier 2008 aux Studios Davout de Paris. Pour Spleen Angel, nous sommes sur une production plus longue, plus travaillée, étalée sur plusieurs mois. Ce n’est plus du tout le même schéma de groupe. Le style musical est le même : du Doom & Dark Death ou Black Death, comme tu veux, mais il y a quatre titres très différents, voire même non Metal, qui font respirer l’album, comme des pauses entre les parties de Metal pur. C’est un album plus riche, beaucoup plus travaillé, avec une production recherchée et beaucoup plus variée. Il y a aussi quelques invités aussi. Spleen Angel est, avec du recul, l’opposé de Monumental Monolith, où tout était plus abrasif et instinctif. Spleen Angel ressemble plus à ma vision du Metal en 2025... Et dans les années à venir.
Avec Spleen Angel, la trilogie - commencée il y a vingt-deux ans - s’achève. Les Rêves d’Alceste de Haine vont s’évaporer. On a remarqué que les mots de cet album ne commençaient plus par un M (comme Misanthrope) a contrario des deux premiers ("The Monotonous Moment of a Monologue" et "Monumental Monolith"). Est-ce la fin d’Argile ou celui-ci se démarquera désormais de Misanthrope ?
Je ne sais pas si les mots d'Alceste de Haine vont s’évaporer, mais ce qui est certain, c’est que cette trilogie est basée sur le « Coma » d’Alceste. C’est une rêverie nécromancienne dans un monde macabre, raffiné, poétique, grotesque et morbide. Alceste a créé dans le monde de Misanthrope cette brèche hors du temps, dans une réalité « Antique ». Mais bel et bien ancrée dans le concept qui déborde effectivement et largement sur celui de Misanthrope. Le projet d’Argile est une trilogie, un spin-off précis de Misanthrope. Sur l’album de Misanthrope de 2026 (celui qui suivra Alpha X Omega : Le Magistère de l’Abnégation), nous éclaircirons cette énigme mystique. Et si vous le voulez, vous comprendrez pourquoi notre héros Alceste est tombé dans ce coma aux triples rêves d’Argile. La trilogie d’Argile appartient au concept de Misanthrope dans un monde « parallèle ». C’est une invitation au secret et à la connaissance.
Pour cet album, vous êtes réunis tous les quatre. C’était symbolique et important à vos yeux ?
Oui, c’était très important. C’est pour bien sceller le pacte de la compréhension et prouver une fois de plus qu’Argile est un autre Misanthrope , une autre facette, dans une autre langue. Nous étions déjà tous les trois sur Monumental Monolith ; c’était une évidence qu’Anthony nous rejoigne. Il était déjà présent lors des deux premiers concerts d’Argile. Nous jouons tous les quatre ensemble depuis 2002, nous nous entendons bien et nous aimons sincèrement faire de la musique ensemble. C’est la passion qui nous réunit.

"La trilogie d’Argile appartient au concept de Misanthrope dans un monde « parallèle ». C’est une invitation au secret et à la connaissance."
Pierre le Pape de Seth est intervenu dans le superbe "Spectrum Symphony". Pourquoi cette collaboration et comment s’est-elle passée ? Et que dire de vos retrouvailles musicales avec Jean-Baptiste Boitel ?
Il y a quelques années, on s’était promis lors d’un Hellfest de faire un morceau ensemble, et c’est chose faite. J’ai composé et écrit primitivement les mélodies et la structure de cette symphonie macabre (un homme perd toute notion de l’existence humaine et spirituelle après une vie anéantie par la quête sans fin du « Sceptre de Lucifer » qui le transformera en spectre). L’exceptionnel Pierre Le Pape s’est chargé de tout le reste, en essayant de suivre mes instructions et mes choix d’instruments dans le grand ensemble d’un orchestre symphonique. Il a rédigé les arrangements et les transitions. Nous avons travaillé à distance sur notre Spectrum Symphony. Cette composition est un événement hyper excitant dans la carrière d’un musicien. Frédéric Gervais a enregistré mon chant et mixé l’œuvre, avec en addition un superbe solo de guitare d’Anthony Scemama. Il existait initialement une version de onze minutes de ce titre. Pour des raisons inconnues à ce jour, nous avons dû l’amputer de cinq minutes.
Merveilleuses retrouvailles. Jean-Baptiste Boitel est notre frère, c’était une évidence de réécrire, un jour, un titre ensemble. Quand j’ai eu l’idée de faire un titre futuriste ésotérique avec une musique électronique sombre, je lui ai directement proposé le featuring sur "MacabrïetA". Emballé par le projet, il nous a rapidement proposé cette extraordinaire musique. J’ai évidemment écrit le texte et les lignes de chant. Il a produit la musique, le chant et le mixage du morceau. C’est le seul titre non enregistré au Studio Henosis. 5’45’’ de bonheur en trio : deux hommes et une machine. C’est un titre unique et accrocheur dans l'œuvre d'Argile.
Si Misanthrope semble se cantonner à un Death Metal novateur, Argile s’oriente plus vers un Doom teinté de nombreuses influences. Comment faites-vous pour rester dans les différents girons sans les mélanger ?
Tout se passe dans notre tête, c’est impressionnant, mais notre cerveau de compositeur se divise en deux. Il y a les riffs d’Argile et les riffs de Misanthrope. Tout se fait très simplement. Les arrangements, le son, le chant, les tempi, le style, les styles musicaux choisis sont très marqués pour les deux entités. Et même si parfois nous débordons, c’est toujours un exercice de style fantastique à réaliser. C'est surtout l'émotion et l'interprétation qui changent tout.
Il n’y aura toujours pas de concerts d’Argile ?
Nous sommes prêts pour donner des concerts avec Argile. Avis aux organisateurs de concerts et programmateurs de festivals : nous sommes disponibles pour du booking ! Vous savez où me joindre. Nous vous attendons.
Comment vois-tu l’année 2025, musicalement parlant, bien sûr ?
Nous sommes ravis de venir faire un véritable concert dans le Nord-Pas-de-Calais, cette région qui me tient tellement à cœur, et de plus, dans l'ancienne église Sainte-Marguerite, le samedi 10 mai 2025 avec Misanthrope pour le Haeresis Metal Fest 2025. Musicalement, j'attends avec impatience le prochain Coroner, le nouveau Nightfall, le prochain Destruction et le nouveau Atheist. Actuellement, je suis très branché par les groupes que j'ai écoutés plus jeune, et par la cérémonie d'écouter religieusement un vinyle sur une platine. C'est aussi pour cela que nous mettons le paquet sur les versions vinyle et la qualité de leur son et mixage/mastering spécial vinyle. Nous arrivons à avoir des gravures audio extraordinaires en 2025.
Un mot pour les lecteurs d’Heretik Magazine ?
Merci beaucoup, je suis très heureux d’être enfin chez Heretik Magazine avec Argile. Nous avons eu la chance de créer cet album avec une inspiration sans fin. L’émotion et l’interprétation changent tout sur ce Spleen Angel, et c’est cette passion qui nous réunit. Pour les curieux qui veulent nous découvrir, direction les plateformes de streaming, et pour les autres, les fans de digipack et vinyles, rendez-vous sur www.holyrecords.com. Aeternitas.
Argile, c'est :
Jean-Jacques Moréac : basse, clavier
S.A.S de l'Argilière : chant
Gaël Féret : batterie
Anthony Scemama : guitare
Discographie :
The Monotonous Moment of a Monologue (2002)
Monumental Monolith (2010)
Spleen Angel (2024)