Après un premier album Mi Amor ! Mi Destroy ! sorti en 2022, Astroïd, nous revient avec un nouvel opus intitulé L'As des Astres (Vol.1), et nous annonce déjà un deuxième volume pour 2025. Nous avons contacté Loran, membre fondateur du combo, pour qu’il nous parle de son groupe, de sa musique, de ses potes et du Punk Rock en général.
Propos de Loran (chant/guitare) recueillis par Chris Kilmister
Bonjour Loran, peux-tu te présenter, ainsi que les musiciens qui t’accompagnent ?
Bonjour, Loran, fondateur d’Astroïd, qui est - ou qui a été - batteur de Toxic Waste, PKRK, Didier Super et sa Discomobile, Arno Futur (ex-chanteur Les sales majestés)... et bien d’autres ! Le groupe est également composé de l’astre Kal (basse/chœurs) qui a joué dans Toxic Waste entre 2001 et 2008, l’astre Thomhydro (guitare), lui a été membre de groupes de Surf Rock : The Hydroids, The Revebly Ones et Les Chefs et l’astre Ripol (batterie/chœurs) qui joue (ou a joué) dans Burning Lady, Lion’s Law, Jodie Faster, Beng Beng Cocktail, Ashtones... Pour le nom du groupe, Astroïd est une anagramme de mon nom qui restera, pour le commun des mortels, un mystère.
Au départ, Astroïd était une sorte de projet solo si je ne m'abuse...
Oui, Astroïd n'était pas destiné à devenir un groupe. J'ai toujours composé des morceaux avec Toxic Waste ou d'autres... Je joue de la guitare depuis l'âge de 14 ans, même si j'ai majoritairement été batteur dans les groupes dans lesquels j’officiais. J’ai toujours eu envie de faire un album, seul avec les moyens du bord. Le confinement, pendant la période COVID, a donné l'espace-temps pour concrétiser cela. Il s'agit d'un "ego-trip" à plusieurs visées. Certains écrivent des livres, mais moi, je ne sais pas le faire, donc je m'exprime via la musique.
D'abord, je voulais laisser une trace musicale, j'ai donc composé dix titres que j'ai enregistrés dans mon home-studio en mode D.I.Y. Tous les instruments sont passés entre mes mains. Je souhaitais capter l'énergie du premier jet, toutes les premières prises ont été gardées, ce qui donne parfois des passages un peu scabreux. Je voulais une formule brute et courte. Afin de ne pas me mettre tout le voisinage sur le dos, les prises batteries ont été faites avec une grosse caisse électronique et une caisse claire frappée avec des fagots (entre les baguettes et les balais de Jazz), cela fait moins de bruit !
Toutes les cordes et les voix ont été enregistrées dans mon home studio (L'Astroïd Lab), le résultat a été surprenant. Il faut dire que le mix est assuré par RomtomCat qui a la culture Punk Rock dans les dents, l'album, lui, a été masterisé à Londres par North London Bomb Factory spécialisé en Punk Rock.
Parles-nous un peu de la genèse de Mi Amor ! Mi Destroy !, le premier album d’Astroïd.
J'ai proposé aux membres des groupes dans lesquels je joue - ou j'ai joué - de faire une intervention sur ce premier album. Je souhaitais qu'ils retracent en partie mon parcours et ainsi graver dans les sillons les connivences avec mes potes. Le Punk Rock, c'est d’abord une histoire d'amitiés et de centre d'intérêt commun. Ils ont donc accepté, sans réserve, de participer. Encore aujourd'hui, et depuis quelques années déjà, je suis resté très proche d'Olivier (Didier Super), d'Arnaud (ex-chanteur Les Sales Majestés) et de Vincen (PKRK). Malgré les distances, nous restons toujours en contact et nous voyons dès que possible, nos énergies convergent. Julie, ma compagne, a écrit la moitié du premier album. N'étant pas toujours inspiré et voyant la qualité de sa plume, je l'ai sollicitée.
À travers cet opus, je me suis lancé aussi le défi de pousser le DIY à son maximum. J'ai donc contacté, à 500m de chez moi, David. Ce mec fabrique des vinyles en petite quantité : c'est un peu plus onéreux, mais complètement artisanal. C'était l'occasion, pour moi, de faire quelques dizaines d'exemplaires. Je n'en voulais pas plus. Le projet n'était pas vraiment destiné à la vente. Juste un petit plaisir pour mon entourage et moi-même. Just Do It !
Au final, après des retours positifs, j'ai décidé d'associer des labels pour une coproduction. Abracadaboum, Keponteam, Kick Your Asso, Kulture(s) Punk, Kanal Hysterik, Trauma Social et Zone 11. Là encore, tous ces types actifs avec leurs labels font partie de la famille Punk Rock hexagonal. Pour certains, on se croise depuis plus de 30 ans. 300 exemplaires ont donc été fabriqués. Cette fois, ils ont été produits à l'usine pour des raisons de coût. C’est DISH, le très talentueux graphiste liégeois, qui a dessiné la pochette du premier album Mi Amor ! My Destroy !, il a également fait celle de notre nouvel opus L'As des Astres (Vol.1).
Comme le schéma capitaliste du monde de la grande distribution, la tendance est tout de même à faire mourir les petits et à gaver les grands. Le Punk n'y échappe pas !
À quel moment as-tu réalisé qu’Astroïd pouvait devenir un groupe, quelque chose de concret, et comment as tu trouvé tes acolytes ?
Pendant l’enregistrement de Mi Amor ! Mi Destroy !, l'idée de faire un "vrai" groupe m’a trotté dans la tête. Avec Ripol, le batteur, nous avons exploré de multiples possibilités. Nous avons répété en duo avec des machines qui jouaient des chœurs et des guitares. nous avons testé des formules pour tenter une formation originale et innovante. Rapidement, nous nous sommes dit qu'il serait plus efficace de faire jouer tout ceci par de vrais humains. Y'a pas à tortiller, notre Punk Rock se partage et doit rester vivant, non figé par des machines.
En avril 2020, lors d'une pause méridienne pendant l'enregistrement de l'album, je vais me chercher un kebab/frites à côté de chez moi, et là je tombe sur Thomhydro, sans savoir qu'il habitait près de chez moi. On se connaît de vue depuis plusieurs années, mais n’étions pas encore amis. Après avoir échangé trois phrases, je lui demande s'il serait intéressé pour jouer la deuxième guitare dans Astroïd. Malgré ses réticences avec le Punk Rock francophone, il accepte de se lancer dans l'aventure, qui est avant tout une histoire humaine. Ensuite, après plusieurs refus de potes pour tenir la basse, j'ai naturellement proposé à Kal. Nous sommes très proches l'un de l'autre, nous sommes amis depuis très longtemps, mais comme il est très pris par sa vie professionnelle et familiale, je ne voulais pas l'emmerder avec mes conneries.
Tu es très porté sur l’esprit Punk Rock, le D.I.Y. comme tu le disais précédemment, peux-tu nous en dire plus sur ce qui t’a attiré vers ce courant ?
Mes influences sont clairement le fondement de ma fibre musicale et artistique. J'ai baigné dans les années Rock Alternatif des années 90. Pour moi, cette époque a été d'une richesse inégalée en France jusqu'ici. Ce qui me plaît dans cette époque, c'est la largesse de l'esprit Punk, il était protéiforme. De l'esthétique au graphisme, de la musique aux expériences musicales, du reggae au Punk violent, des sons avec des guitares aux objets, de l'activisme alternatif sous toutes les formes... Un vrai feu d'artifice créatif en couleur ou en noir! pas de règle pour exister et faire vivre ce réseau. De grandes années très productives et créatrices. Tout était possible en matière de création. Un soir de concerts pouvait réunir du Reggae, du Rock et du Punk Psyché. Aujourd'hui, il existe bien évidemment encore des énergies créatives, mais elles ne sont plus aussi étendues et au-devant de la scène. Certains diront, pour vivre heureux, vivons cachés. Moi, je pense que plus une société vit dans l’excentricité et le décalage, plus elle doit s'intéresser à l'autre pour mieux le comprendre. Intriguer pour faire réfléchir. Je comprends aussi que certains sont fatigués par la médiocrité ambiante et ont fait le choix de s'isoler dans une espèce d'entre soi. Une manière de se protéger et de vivre son truc à fond.
Le nouvel album d’Astroïd sort ce mois-ci. Quels sont les différents sujets abordés par les textes ?
Les textes sont, pour la plupart, des constats amers sur les comportements humains. Ils peuvent aussi être très naïfs et tenter de proposer des bouffées d'oxygène dans une vie oppressante. Parfois léger, d'autres plus lourds. Tantôt personnels, d'autres fois plus globales... Comme des photographies de moments de vie. Des thèmes comme les substances psychoactives reviennent tout de même souvent... Dans le Punk, il n'y a pas que de l'eau... Dans les paroles, on peut y lire les aspects festifs comme les descentes aux enfers. Jamais moralisateur, mais toujours avec un ton personnel qui tente d'apporter une vision qui met en exergue les dangers. Évidemment, le capitalisme et ses vecteurs de soumissions (le travail, la hiérarchie...) sont aussi des sujets abordés. L'idée est de tenter de donner mon point de vue sur tout ce qui me dégoûte, tout en visant des lueurs d’espoir. Pas simple, il faut y croire ! Le titre, paru en clip par ailleurs, « Les Hommes Modernes », est comme un témoignage d'une tranche de vie. Je suis travailleur social et j'ai pu être témoin d'une multitude de récits de jeunes, qui ont traversé la planète pour fuir des horreurs dans l'espoir de trouver un idéal, qui se transforme parfois en cauchemar. J'avais besoin de retranscrire tout ça dans un morceau. Dans ce clip, j'ai tenu à ce que des jeunes y participent. On l'a fait ! Tous ces moments ont été des moments de partage et de bonheur.
En Afrique, le Punk Rock est loin d'être monnaie courante, en revanche, les joies et les peines d'un humain restent des émotions universelles. Quand un gamin pleure de joie devant toi, te prend dans les bras en te remerciant, car il est dans un clip à la con, crois-moi, ça fait quelque chose. Tu te dis que tu as pu apporter quelques minutes de bonheur. Aussi futile que cela puisse paraître, je n'en suis pas peu fier. J'ai d'ailleurs en tête de refaire un nouveau clip d'un titre du Vol.1.
Alors que le Vol.1 vient tout juste de sortir, que le Vol. 2 est déjà prévu pour 2025, les morceaux qui vont y figurer sont-ils déjà finalisés ?
J'ai toujours la tête à 100 à l'heure dans des idées de projets. L'As des Astres (Vol.2) est effectivement prévu pour début 2025. Douze titres sont déjà enregistrés, Ils l'ont été en même temps que ceux du Vol.1. C'est d'ailleurs cette raison qui amène à ce que ce soit un album en deux volumes. Même session d'enregistrement, même période donc même album. c'est juste que ça ne rentrait pas sur une seule galette, trop de morceaux. Jusqu'à L'As des Astres (Vol.1), je suis le compositeur et l'auteur des morceaux d’Astroïd. Julie a écrit quelques titres sur les Vol.1 et Vol.2. Tous ont été enregistrés à L'Astroïd Lab sauf la batterie de Ripoll. Les prises se sont déroulées au sofa Studio (59) avec Romtomcat. Je souhaitais davantage de moyens sur ce deuxième album pour un son plus pêchu. Objectif atteint !
Avec une actualité qui s’annonce chargée, as-tu encore du temps à consacrer aux autres groupes dont tu fais partie ?
Oui, je continue de collaborer avec Arno Futur. Arno vient régulièrement chez moi à Lille pour partager des moments musicaux. On ne vise rien de précis. La priorité est de créer un moment de partage... De la bonne humeur sans prétention, c'est la base de mon fonctionnement. Si les choses sont faites avec entièreté, simplicité et joie, ça part d'une intention saine et honnête. C'est ma vision du Punk Rock, c'est primordial pour moi.
Dans le même esprit, Vincen (PKRK) est venu à l'Astroid Lab. c'est la même chose, on se voit de temps en temps et on bidouille des trucs. Là, il est question de sortir un six titres. J'enregistre une guitare/voix des nouvelles compos de Vincen, J'ai un grand respect pour ses créations. Il est un de mes mentors, un guide artistique. J'ai toujours été impressionné par son travail très qualitatif, il compose comme personne. J'ai beaucoup appris à son contact. l est aussi ingérable que créatif... C'est dire (rires) ! J'adore ce connard.
Ensuite, sur ces morceaux, je joue la basse. Dans la foulée, je fais des arrangements guitares, voix. Une fois que les morceaux ont de la gueule, on enregistre des batteries en studio, avec Ripol derrière les fûts. Le résultat est très sympa. Tout ça devrait sortir un jour . Le manque de thunes ralentit les choses, il faut aussi un label pour distribuer tout ça. Nous sommes des artistes, pas des hommes d'affaires, donc, on est un peu à chier sur ce point, mais nous sommes tout de même contents, comme des gosses, quand on fait des morceaux. C'est le principal !
Pour en revenir à Vincen, c’est lui qui assure le dessin pour la prochaine pochette de L'As des Astres (Vol.2). Il va aussi faire un dessin pour un t-shirt. À l'heure où j'écris ces lignes, je risque de recevoir un 1er jet la semaine prochaine. Vincen n'étant pas équipé d'Internet, il m'envoie ses planches par la poste. Quand je vous dis que ce n'est pas simple avec lui. (Rires)
As-tu quelques dates de prévues dans la région pour défendre ce nouvel opus sur scène ?
Oui, plusieurs concerts sont déjà bouclés, nous serons le 16/10 au Garage Café à Cambrai, le 17 /11 au Couleur Café à Arras et le 22/11 à la Brat Cave à Lille. Nous passerons également chez nos amis Belges le 14/09 à la Salle des fêtes à Heure, puis assurerons quelques show dans d’autres régions, comme à Chaumont (52), Reims (51), Tours (37), Poitiers (86) et Maxeville (54), nous ferons aussi un détour par l’Allemagne (Bonn). D’autres dates viendront s’ajouter à cette tournée.
Merci Loran pour ta sympathique collaboration. Aurais-tu quelques choses à ajouter, un petit message à passer ?
Les temps sont durs pour le Punk Rock. Des lieux de concerts ferment quand d'autres ouvrent. Comme le schéma capitaliste du monde de la grande distribution, la tendance est tout de même à faire mourir les petits et à gaver les grands. Le Punk n'y échappe pas ! Malgré les multiples appels des assos, des groupes et autres actifs de la scène, les comportements du public ne changent pas dans le sens que nous, les "petits" groupes, souhaiterions. Les concerts dans les plus petites structures sont souvent désertés contre des sold-out dans les grandes organisations.
Comment faire survivre un groupe dans ce contexte ?
Les concerts sont l'essence même d'un groupe de Punk Rock, c'est là qu'il prend tout son sens, les trouver, c'est du boulot. Si à la lecture de ces lignes, une bonne âme est prête à filer un coup de main, cela permettrait de se concentrer plus sur l'artistique. Car les idées fusionnent, mais ne peuvent pas toujours se réaliser à cause des contraintes du temps.
Astroïd, c’est :
Loran : chant/guitare
Kal : basse/chœurs
Thomhydro : guitare
Ripol : batterie/chœurs
Discographie :
Mi Amor ! Mi Destroy ! (2022)
L'As des Astres Vol.1 (2024)