Le groupe Black River Sons nous a montré que le Nord savait aussi faire du Rock sudiste et cela de bien belle manière ! Mais, avec leur dernier opus Skins, ses membres nous montrent qu'ils ont bien plus d'une flèche à leur arc. Composé pendant le confinement, celui-ci s'avère plus lourd, plus Hard, mais aussi plus sombre que les albums précédents. En attendant la performance du groupe en première partie de Wishbone Ash à The Black Lab (Wasquehal) le 25 avril prochain, nous avons demandé à Émeric Martel, guitariste et chanteur du groupe, de nous raconter la genèse de Skins.
Propos d’Émeric Martel (chant, guitare) recueillis par Chris Kilmister
Peux-tu nous faire une présentation des membres actuels du groupe et nous dire qui a participé à l'écriture de cet opus ? Il me semble que votre précédent guitariste a aussi œuvré pour cet album...
Black River Sons se compose actuellement de Guillaume Singer à la guitare, de Frédéric Barazutti à la basse, de Vincent Bourée à la batterie et de moi-même à la guitare et au chant.
Pour notre nouvel album, j’ai écrit cinq titres, coécrit un avec Baba, notre ancien guitariste, Fred en a écrit trois et Baba un.
Vous avez commencé la composition de Skins pendant le COVID. Le confinement a-t-il influencé l’écriture des titres, que ce soit pour la musique ou pour les paroles, d’où son coté plus sombres peut-être ?
Carrément ! On a assez mal vécu le COVID, même si on a continué à répéter pendant les confinements - à part le premier - et même si on a eu la chance de pouvoir jouer "live" entre chaque confinement. Pour ma part, je me suis remis à réécouter des trucs plus sombres comme Soundgarden, Alice In Chains, Tool, etc... Et j’étais vraiment au fond moralement... Cela a forcément influencé mon écriture. Quand j’ai proposé des morceaux plus Heavy, ça a tout de suite plu au groupe. Baba avait déjà écrit une ébauche du morceau « Skins » qui est bien lourd et on a tous eu envie d’aller dans cette direction. J’avais d’ailleurs écrit quelques titres plus dans la veine de Poison Stuff , des titres qu’on n’a finalement pas gardés pour l’album.
Comme sur vos deux premiers opus, vous avez de nouveau travaillé au studio C&P à Sequedin. Pourquoi ? L’idée de changer de studio ne vous a-t-il pas tentés ?
En studio, nous n’enregistrons que la batterie et le chant. Les guitares et la basse sont enregistrées individuellement chacun chez soi. Le studio a ensuite fait un travail de mixage sur lequel on intervient également. On avait déjà fonctionné comme ça sur Poison Stuff et ça nous convenait tant sur la méthode, que sur le résultat final. Frédéric du C&P Studio a une oreille phénoménale. Les séances de studio ont été mouvementées parce qu’il ne laisse rien passer. Parfois il nous est même arrivé à Vince ou à moi de nous énerver un peu, mais au final, c’est lui qui a raison, il faut être hyper exigeant ! On a opté pour un mix un peu plus "rentre dans le lard" et plus moderne, mais qui reste aéré et "roots". On n'avait pas envie de changer de studio. En revanche, si on avait eu le budget, on aurait adoré travailler à l’ancienne, c’est à dire, "tout le monde en même temps dans la même pièce". C’est comme ça qu’ont été enregistrés tous les grands disques de nos idoles, mais c’était impossible à faire tant au niveau de nos emplois du temps que du coût !
Emeric, tu as l’habitude de composer toute la musique du groupe. Cela s'est-il passé de la même façon pour Skins ou y a-t-il eu une rébellion de tes acolytes qui voulaient, eux aussi, pouvoir s’exprimer musicalement, sans pour autant te provoquer en duel digne d’un "Rio Bravo" à la sortie d'un bar malfamé après quelques verres de whisky ?
Au début, j’écrivais tout parce que lorsque j’ai monté le projet, j’avais déjà dix titres maquettés et prêts à être joués. On en a mis cinq sur le premier EP puis cinq autres sur Poison Stuff pour lequel j’ai écrit trois titres supplémentaires et Baba deux. Il était donc logique que j’écrive encore moins de titres sur Skins et il ne serait pas surprenant que j’en écrive encore moins sur le prochain album.
On a aussi un peu changé notre façon de travailler les titres. Avant j’étais hyper directif, puis avec le temps, on a commencé à arranger les morceaux de façon plus collective, ce qui fait que l’écriture des morceaux suivants a été plus collégiale.
"Si on avait voulu faire un album « commercial », on n'aurait jamais proposé un album qui va dans autant de directions musicales. "
Votre musique s’est fortement musclée. L’arrivée de Guillaume Singer y est-elle aussi pour quelque chose ? Il me semble qu'il a une base "Metal" !
Nous n’avons pas décidé de faire un album plus Heavy, ça s’est fait comme ça. L’arrivée de Guillaume n’a rien a voir avec cette évolution puisque l’album était déjà complètement enregistré quand Baba a décidé de quitter le groupe. Nous avons eu la chance que Guillaume nous rejoigne quasiment immédiatement après son départ. Comme on avait encore un peu de temps avant la sortie, on lui a proposé de rejouer sur certains titres. Pas tous, parce que ça aurait été trop juste.
Sur ce point, tu as raison, on a carrément mis à profit sa « base Metal » et on lui a proposé de rejouer sur ces morceaux. Il joue donc sur les titres les plus "couillus" de l'opus ! On avait pile envie d’entendre ce genre de soli hyper "shredy" sur ces titres là, donc c’était juste parfait.. Guillaume joue sur six morceaux de l’album. Sur les autres, c’est encore les parties de Baba.
N’avez-vous pas peur de perdre quelques fans de la première heure ou - au contraire - est-ce aussi une envie d’attirer un nouveau public et pourquoi pas, réussir à rassembler ces deux publics aux goûts légèrement différents ?
On n'a rien écrit en pensant comme ça. On est tous des Hard Rockers / Metalleux au départ et on joue la musique qui nous branche. C’est vrai que le public "Southern" est plus Hard Rock / Blues que Metal, mais Skins est loin d’être un album de Metal pur. J’espère - effectivement - que l’album accrochera un public plus large que Poison Stuff, mais c’était vraiment pas une démarche marketing. Si on avait voulu faire un album « commercial », on n'aurait jamais proposé un album qui va dans autant de directions musicales.
Peux-tu nous parler des thèmes abordés dans les chansons ? Y a-t-il une ligne directrice entre les titres, une sorte de concept ou d’une idée plus globale mais qui les relie entre elles ? D’ailleurs qui s'est chargé des paroles sur cet album ?
C’est Fred (basse, NDLR) qui écrit toutes les paroles du groupe. Il en avait déjà écrit quelques unes sur Poison Stuff. Le thème de l’album n’est effectivement pas très festif. Il s’agit de la « peau » que chacun peut revêtir pour évoluer dans une société très / trop formatée.
Ce thème est plus ou moins décliné au fil des titres avec des sujets comme la théorie du ruissellement, l’effritement dans la relation de couple, le handicap mental... Bref, que des sujets "fun".. Je n’arrête pas de dire à Fred qu’il faut que ses textes parlent de bière et de cul, mais il ne veut pas… (sourire)
L’homme sur la pochette qui semble changer de peau et le titre « Skins » sont-ils une façon de faire comprendre aux fans que la musique de Black River Sons évolue tel un serpent qui change de peau.
La pochette a été réalisée par François Parmentier dont c’est le métier. Il a déjà réalisé des pochettes pour d’autres groupes/artistes qui au passage vendent vachement plus d’albums que nous... On lui a donné le thème de l’album, fait écouter des titres, il nous a proposé plusieurs pochettes et on est tous tombés d’accord sur celle-là. Elle n'est pas mal ton idée sur le groupe qui change de style comme un serpent qui change de peau, mais ce n'est pas ça.
Si vous étiez fans de Black River Sons, est-ce le genre d'album que vous auriez attendu d'eux, qui vous aurait fait kiffer le groupe encore plus le groupe ?
On n'a pas eu de problèmes pour écrire les titres, mais un en particulier nous a donné du fil à retordre sur la mise en place. C'est « Out Of Range » sur lequel j’ai écrit un pont un peu à la manière de Tool en mesure asymétrique. Cette partie n’est pas passée du premier coup. Sinon, oui, on est carrément satisfait du résultat, les morceaux sont cool et la production est massive juste ce qu’il faut pour ne pas tout écraser, ce qui est un peu le défaut des productions modernes.
Des projets de concerts, voire une mini-tournée prévue pour 2024 ?
On a quelques dates jusqu’à l’été et quelques festivals, dont un dans le Jura. On va ouvrir pour Wishbone Ash le 25 avril à The Black Lab (Wasquehal). On a un site internet récemment refait sur lequel il y a la totale : dates, presse, vidéo, musique... Il y a même notre fiche technique au cas où un de vos lecteurs voudrait nous embaucher pour animer son mariage, son anniversaire ou sa bar mitzvah ! (sourire)
Black River Sons, c'est :
Guillaume Singer (guitare)
Frédéric Barazutti (basse)
Vincent Bourée (batterie)
Émeric Martel (chant, guitare)
Discographie :
Run Like Hell (EP – 2017)
Poison Stuff (2019)
Skins (2023)