Les maîtres du Doom à la française, à savoir Monolithe, nous ont livré le 15 Novembre dernier leur dixième album studio, Black Hole District (Hammerheart Records)… Un album conceptuel pour un groupe qui est à lui seul un concept. Rencontre avec Quentin Verdier, le nouveau chanteur et Vincent Rémon le bassiste du combo.
Propos recueillis par Flavien Minne
Salut Quentin, tu as rejoint l’aventure Monolithe en 2023. Peux-tu te présenter et quel a été ton parcours ?
Quentin Verdier (Chant, Guitare) : Pour te faire une synthèse de mon parcours, je viens à l’origine du Black Metal, style et scène dans lesquels j’évolue depuis le lycée ! J’ai joué dans différents projets et à différents postes avant d’intégrer Monolithe. Dans mon projet principal, Acedia Mundi, je compose la musique et le chant. Dans les autres, j’ai pu, entre autres, être chanteur (Spectral Void) ou bassiste (Owl Cave). En parallèle, j’officiais également en tant que journaliste pour Pavillon 666 et Metallian Magazine pendant quelques années.
Quand on intègre un groupe comme Monolithe qui affiche presque 25 ans de carrière, neuf albums-studio à l’époque et qu’on est le quatrième chanteur du groupe, dans quel état d’esprit se trouve-t-on ? Parle-nous de ton arrivée dans le groupe !
J’ai découvert Monolithe en 2016 avec Epsilon Aurigae et je suivais régulièrement la carrière du groupe. Puis, par le plus grand des hasards, je suis tombé sur leur annonce postée pendant l’été 2023 dans laquelle ils annonçaient rechercher activement le successeur de Rémi au poste de chanteur. Ayant eu envie de sortir un peu du Black Metal, je suis donc rentré en contact avec Sylvain (Bégot, NDLR), en lui soumettant tous mes précédents travaux au sein d’Acedia Mundi et Spectral Void. J’ai ensuite passé un test sur trois morceaux dont un titre de Black Hole District, encore à l’état de démo. Je n’ai pas eu de souci côté growl, mais mes voix claires nécessitaient davantage de travail. Sylvain et les autres ont décidé de me faire confiance et de m'intégrer dans le groupe, à la condition de travailler mon chant clair. Et cela porte ses fruits, puisque je parviens désormais à reproduire le chant clair des titres de Black Hole District assuré par Frédéric Gervais (Orakle, Cor Serpentii, Khôra) qui s’est également occupé du mix/master de l’album (studio Henosis). J’ai également tenu à reprendre l’intégralité du poste qu’occupait Rémi, à savoir celui d’être aussi le troisième guitariste pour le live.
Comme tu le disais, passer après des chanteurs comme Rémi Brochard ou Richard Loudin (Despond, Nydvind) est assez impressionnant, sachant qu’ils ont façonné l’identité vocale de Monolithe depuis 2001. S’approprier tout cet héritage exigeant que représente la musique du projet demande effectivement un travail soutenu et régulier pour pouvoir à son tour apporter sa pierre à l’édifice.
Bon ! Assez parlé de toi ! Parle nous de Black Hole District, le nouveau concept-album d’anticipation de Monolithe.
Black Hole District est un album conceptuel sur l’intelligence artificielle. Il se déroule dans un monde semblable à celui du film Blade Runner. C’est essentiellement une histoire “Tech Noir”, mêlant Science-Fiction et film noir. On suit un personnage, un androïde, qui ignore ce qu’il est. Il est à la recherche de quelqu’un et d’un but dans sa vie, ce qui le mène à découvrir sa véritable nature et qui causera sa perte. Il est également traqué par les autorités, car il n’est pas censé être conscient.
Nous avons essayé de créer une atmosphère similaire à celle de Blade Runner, à la fois, sur le plan textuel et musical (notamment avec l’utilisation du CS-80 qu’a utilisé Vangelis dans la B.O. du film). Il y a aussi des influences de Matrix, Ghost In The Shell, et Dark City. Nous suivons le fil des pensées du personnage principal à travers une narration réalisée par un professionnel américain de la voix-off, dans ce style typique “hard-boiled” des années ‘50. Pour les intéressés, comme il restait de la place sur la version vinyle de l’album, on a rajouté
une piste en bonus où l’histoire est racontée.
Comment un album de cette envergure se construit-il ? De la composition de Sylvain Bégot, l’écriture de tes parties jusqu’à la concrétisation en galette ?
Quand j’ai rejoint le groupe, tout était déjà en place en termes de composition et de processus d’écriture. Sylvain écrit absolument tout de A à Z sur chaque opus. J’ai découvert les démos et tout le concept autour de l’album et j’ai rapidement commencé à écrire mes parties de growl. Dans mon autre groupe, nous travaillions de manière assez “old school” : quelqu’un écrivait un riff, et nous essayions ensemble de façonner une chanson sans méthode particulière.
Avec Monolithe, c’était un peu différent car j’avais tout le matériel nécessaire pour enregistrer les voix chez moi. J’ai donc créé mes parties en collaboration étroite avec Sylvain, qui avait une idée précise de ce qu’il voulait en termes de placement , de tonalité et d’intentions. C’était la manière la plus simple pour moi de m'intégrer rapidement au groupe et de m’immerger dans l’univers de Monolithe. Puis le choix d’Hammerheart Records pour sortir l’album s’est fait très simplement. Le label s'intéressait déjà à Monolithe depuis Kosmodrom (2022).
Le caractère historique de la structure existant depuis 1995 et ayant eu en son sein des mastodontes du genre et le fait que le deal proposé était plus intéressant dans toutes les propositions que nous avions nous a fait sauter le pas assez rapidement.
"La musique de Monolithe propose une expérience similaire à celle de 2001, l'Odyssée de l'espace, qui va au-delà du média original pour pénétrer directement l’inconscient avec du contenu émotionnel..."
Bien que Black Hole District est influencé par différents films ‘70/’80 (Blade Runner, Ghost in the Shell…), le Doom de Monolithe n’est pas non plus enfermé dans un carcan musical. Quelles en sont les influences ?
Vincent Rémon (Basse) : En effet, Monolithe est un concept holistique qui va bien au-delà de la musique. Le fait que le groupe ait été créé en 2001, n’est pas un hasard, puisque l’inspiration primordiale est issue du film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Si vous l’avez vu, la référence au Monolithe devrait être évidente, et sinon, ruez vous sur ce chef d'œuvre ! A partir de là, Sylvain a pu explorer les nombreuses idées portées par le film : la création, l’apparition de l’Humanité, puis sa sentience, la conquête spatiale, et finalement l’intelligence artificielle et là encore sa propre sentience. Je crois que la musique de Monolithe propose une expérience similaire à celle de 2001, l'Odyssée de l'espace, qui va au-delà du média original (la musique en ce qui nous concerne) pour pénétrer directement l’inconscient avec du contenu émotionnel, une expérience intensément subjective qui atteigne l’auditeur à un niveau profond de conscience.
Retour vers le futur… Pourquoi un tel choix dans cet esthétisme cinématographique ? Et que dire de l’utilisation du synthé CS-80, cher à Vangelis Papathanassiou ?
Un groupe de 2024, inspiré par un film de 1968, qui remonte sa narration quatre millions d’années auparavant, puis se projette dans son futur en 2001. Est-ce que la notion du temps est encore importante au milieu de tout cela ? Plus sérieusement, Monolithe aime surprendre, et au-delà des solides fondations Doom, chaque album va explorer de nouveaux univers musicaux. Black Hole District flirte cette fois avec le progressif, avec des ambiances que l’on pourrait retrouver chez Pink Floyd, ou chez Vangelis, en effet, avec ses nappes et ses sons de synthétiseurs tellement typés années ‘80. L’histoire contée par l’album au travers de son androïde n’est pas sans rappeler les interrogations abordées par les "réplicants" de “Blade Runner”. Il semblait donc nécessaire d’essayer d’y faire écho avec l’utilisation d’instruments qu’on retrouvait sur la bande originale du film de Ridley Scott.
Avec des morceaux de 1 et 10 minutes piles, comment appréhendes-tu la scène ? La préparation doit être monstrueuse et minutieuse ?
Quentin : Effectivement, cela a été très "challengeant" pour moi, car c'est la première fois, dans mon parcours que j’occupe le poste de chanteur/guitariste sur scène. La préparation pour tout le monde est assez conséquente - sachant que nous abordons des structures assez alambiquées, parfois - j’ai dû doublement me préparer en ayant le chant bien en tête, en travaillant soigneusement les parties clean avec mon professeur tout en jouant les riffs simultanément. Il m’a fallu un à deux mois de préparation et de travail soutenus, mais comme je le disais précédemment, le rendu est à la hauteur de ce qu'attendait le groupe et je suis, moi-même, très satisfait des progrès que j’ai pu faire. Nous avons déjà bien répété avec le nouveau line-up et sommes fin prêts pour aborder la scène.
Si on parle du thème anticipatif de Black Hole District, on parle d’avenir proche. Quel est celui de Monolithe ?
À la fin de cet été, nous avons signé un contrat avec un booker qui doit nous prévoir des dates européennes en salles comme en festivals. On espère que les premiers auront lieu très prochainement ! Après plus de deux ans loin des scènes, nous avons plus que hâte d’y revenir pour défendre l’album ! Ce sera aussi l’occasion de mettre un coup de projecteur sur les deux précédents opus Kosmodrom (2022) et Okta Khora (2020), dont les promotions ont été entravées par la crise pandémique.
Enfin, un petit mot pour les lecteurs d’Heretik Magazine ?
Merci à toi, Axel et à toute l’équipe d’Heretik Magazine pour votre soutien. Enespérant que les lecteurs prendront du plaisir à lire cet entretien, tout autant qu’à l’écoute ou à la (re)découverte de Black Hole District.
Monolithe, c'est :
Benoît Blin : Guitars
Sylvain Bégot : Guitars, Claviers, Programmation
Thibault Faucher : Batterie
Quentin Verdier : Chant, Guitare
Vincent Rémon : Basse
Axel Hurard : Claviers
Discographie :
Monolithe I (2003)
Monolithe II (2005)
Monolithe III (2012)
Monolithe IV (2013)
Epsilon Aurigae (2015)
Zeta Reticuli (2016)
Nebula Septem (2018)
Okta Khora (2019)
Kosmodrom (2022)
Black Hole District (2024)